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Économie

L'échec de la ronde de Doha : la victoire des pauvres?

Jacques Parizeau, économiste et auteur

Depuis 1947, de plus en plus de pays (ils étaient une quarantaine au début et ils sont maintenant 150) se réunissent périodiquement pour abaisser les droits de douane et éliminer les quotas qui limitent les échanges internationaux. Cela s'est appelé le GATT, et c'est maintenant l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui a pris la relève. Cet abaissement des barrières commerciales donne lieu à des rondes de négociations qui durent quelques années et dont les succès sont variables. Néanmoins, elles maintiennent le cap sur un même objectif : le libre-échange. Au cours des dernières années, il y a eu la «ronde Kennedy», puis la «ronde de l'Uruguay», et c'est maintenant la «ronde de Doha». Celle-là, engagée en 2001, était censée aider tout particulièrement les pays sous-développés. Ce devait être la ronde des pauvres.

En fait, le cycle de Doha aura révélé à quel point le système commercial international a été organisé de façon à orienter la mondialisation dans le sens des intérêts des pays les plus développés, parfois au détriment de la croissance des autres. Il faut dire qu'elle avait bien mal commencé, cette ronde de Doha. On avait d'abord établi que, dès le 1er janvier 2005, tous les pays participants feraient observer sur leur territoire les brevets appartenant aux sociétés relevant de ses membres. Comme 90 % des brevets sont inscrits dans six pays (Europe, États-Unis et Japon), il était difficile de ne pas voir dans cet engagement un système de protection d'un groupe

restreint de multinationales. Au cours des négociations, des pays africains refusèrent d'appliquer la règle aux produits pharmaceutiques. Autrement, la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria serait devenue hors de prix pour eux.

Une trentaine de compagnies pharmaceutiques poursuivent ces pays devant les tribunaux (l'Afrique du Sud en particulier). Le scandale fut énorme, mondial. Finalement, des arrangements furent faits pour permettre de recourir à des produits génériques beaucoup moins chers, venant surtout de l'Inde et du Brésil.